Il y a quelques mois, Ulrich m’a proposé de participer à un Ultra Trail, celui de l’Euskal Trail, en binôme, dans le Pays Basque. J’ai été surprise car nous avons une très grande différence de niveau. Mais Ulrich, qui a déjà participé à ce type d’épreuve, a souhaité me faire découvrir et faire partager l’expérience de ce type de course.
Après quelques tergiversations, réflexions et l’approbation de ma famille (Nicolas et Juliette), j’ai fini par me laisser tenter… ! Courir 133km et franchir 7500m de dénivelé !
Ulrich nous a alors concocté une préparation physique aux petits oignons, démarrée en février, qui nous a menés tout doucement jusqu’au petit matin du 31 mai sur la ligne de départ de l’Euskal Trail à Saint Etienne de Baïgorry.
Départ 5 heures, avec percussions et feux d’artifice, grosse pression, l’émotion m’envahit déjà… Nous partons au milieu d’environ 600 coureurs éclairés de leur frontale et nous entamons la 1ère des nombreuses ascensions qui nous attendent. La lumière du jour se fait peu à peu et découvre les montagnes, les paysages sont superbes !
Nous passons le 1er ravitaillement, puis rallions le second au 31ème km, il fait déjà très chaud à Ispegi. Nous y retrouvons Madeline, Lyhiam, Elyna et Nicolas. Ça fait du bien de les voir. Lyhiam court quelques dizaines de mètres avec nous !
Pendant que nous nous désaltérons et mangeons (surtout le fromage que Maddy a pensé à m’apporter !) nous voyons déjà certains coureurs souffrir de la chaleur…
Nous repartons au milieu de la nature, la forêt à flanc de montagne et les sommets. Plus loin, dans une longue montée, nous apprécions la solidarité des traileurs. Ulrich souffre du frottement de ses chaussures au niveau des tendons. Deux coureurs de la course 2 fois 40km que nous croisons, s’arrêtent et nous donnent leur réserve de pansements ! Nous terminons notre longue ascension. La chaleur est bien présente. Puis c’est la descente et nous rejoignons la forêt et sa fraicheur relative. L’organisation a placé des ravitaillements en eau intermédiaires qui nous rendent bien service.
Ravitaillement du 44ème km, celui des Aldudes. Nous retrouvons notre équipe de choc ! Ils ont pour mission de trouver de nouveaux pansements pour les pieds d’Ulrich. Nous nous hydratons, eau, soupe, et mangeons pâté (surtout Ulrich !) saucisson, fromage, fruits… Et nous repartons sous une forte chaleur. Une petite pause s’impose quelques kilomètres plus loin à l’ombre. Fin de la montée, nous sommes sur un plateau verdoyant au milieu des brebis, vaches et chevaux, tous déjà à l’estive. La montagne est magnifique !
59ème km ravitaillement d’Urkiaga, soupe, saucisson, fromage, pâté…, toujours aussi délicieux ! Nicolas et Madeline nous transmettent les messages de tous nos supporters, ça fait un bien fou de se sentir soutenus dans notre effort ! Ulrich repart avec des pieds tout neufs, Madeline a pris soin de refaire ses pansements.
Nous repartons plutôt guillerets. Après quelques kilomètres en forêt, nous attaquons La « Directissime » locale droit dans le pentu! Arrivés au sommet, passage au col, puis nous restons sur la crête quelques centaines de mètres, le paysage est une nouvelle fois à couper le souffle. Suit une longue descente, les genoux qui « couinaient » déjà depuis quelques temps deviennent de plus en plus douloureux, les quadriceps, aïe, aïe… bref les douleurs sont de plus en plus prégnantes, le moral commence à faiblir en ce qui me concerne. Je pense qu’Ulrich souffre aussi à ce moment-là car je le ralentis beaucoup dans les descentes. C’est alors que je sens une espèce de colère monter en moi, j’ai envie de jeter les bâtons et m’assoir dans l’herbe. Le sport c’est que du bonheur, mais là… !
Ulrich me dit qu’à partir de maintenant c’est difficile pour tout le monde. Ses paroles m’obligent à me remobiliser, je garde ma colère pour moi et nous continuons à avancer, toujours avancer…
Nous arrivons enfin à Urepel, la base de vie, il est presque 20h30, 72ème km. Les instructions d’Ulrich sont : il faut prendre le temps de se changer, de manger chaud et de se faire masser car des kinés sont présents pour prendre soins des coureurs.
A ce moment de la course je sens que je pourrais tout lâcher. Il reste plus de 60 km à parcourir, la nuit est proche, le moral est en berne… Mais les directives séquencées d’Ulrich sont comme des injonctions auxquelles je m’accroche. Nicolas et Madeline et les enfants, nous entourent et reconstituent pour chacun de nous un petit cocon bienfaiteur et salvateur. Les 60 km restant à parcourir se transforment peu à peu dans ma tête en 2 fois 30 km ce qui devient psychologiquement plus envisageable.
22h30, frontales vissées sur la tête, nous repartons avec un petit groupe d’autres coureurs la nuit nous enveloppe, c’est comme une nouvelle course qui commence. Les montées et descentes moins techniques que celles de la journée précédente se succèdent plus rapidement il me semble. Nous sommes protégés tantôt par les étoiles de la voute céleste, tantôt par les forêts silencieuses que nous traversons. Nous sommes concentrés sur notre effort. Je pense à ma famille, à mes amis, à tous ceux qui nous suivent depuis le début de cette course folle, il faut continuer à avancer, toujours avancer…
Puis nous retrouvons dans la plaine, il fait froid, nous arrivons à Burgete, ravitaillement du 92ème km. Soupe, thé et café nous réchauffent. Nous nous alimentons encore bien. Il faut repartir, nouvelles montées, nouvelles descentes, portions plus planes, le moral va bien, les douleurs restent supportables.
101ème km en descente: ravitaillement d’Egantza dans une petite bergerie accrochée à la montagne. A l’intérieur, quelques coureurs un peu hagards sont assis sur un vieux banc en bois. Il n’y a pas de conversation entre eux. Les organismes de tous sont bien entamés. Soupe, thé, café, fruits, compotes et yaourts à boire deviennent peu à peu les seuls carburants que nous pouvons encore ingurgiter. Nous repartons dans la descente. La fatigue commence à se faire sentir. Les douleurs qui semblaient s’être atténuées réapparaissent. En même temps les bruits de la nature qui se réveille deviennent de plus en plus perceptibles, le jour va bientôt se lever. La lumière est très belle.
Soudain j’ai l’impression qu’une grande fatigue m’envahit, il faut que je dorme, absolument ! Je le dis à Ulrich. A gauche du chemin sur lequel nous descendons il y a un talus herbeux, j’enlève mon sac à dos, je me couche et m’endort dans la minute qui suit. Quinze minutes plus tard je me réveille. Ulrich me dit qu’il a dormi également et qu’il a même ronflé, je n’ai rien entendu ! Le jour s’est levé et nous repartons avec un petit moral me concernant. Le ravitaillement d’Arnegi au 111ème km approche mais il nous restera ensuite 22km encore à parcourir, environ 6heures de course…mais comment je vais y arriver… !
Nous terminons la descente sur une petite route goudronnée et avant d’entrer dans le village d’Arnegi où nous retrouvons Nicolas qui nous attend dans la fraicheur matinale, il est 6h30. Notre alimentation est presque exclusivement liquide, cela devient compliqué de manger solide… Mais j’ai l’impression que rien ne peut entamer la détermination d’Ulrich.
Nicolas me rassure, me rebooste, la prochaine fois que nous nous retrouverons, ce sera à l’arrivée avec Madeline et les enfants.
Et nous repartons. Quelques kilomètres plus loin, le ventre me tortille, je dois gérer aussi les désagréments intestinaux ! Nous nous retrouvons plus loin au milieu d’un petit groupe. La montée est longue et nous semble interminable avant le ravitaillement à Ehuntzaroi. La température de nos plantes de pied respectives monte à la même vitesse que celle de l’air ambiant : il fait chaud !! Fatigue au ravito, je sens l’hypoglycémie proche, il faut manger, mais quoi ? Comme à chaque ravitaillement depuis le début de la course, l’équipe de bénévoles est accueillante, bienveillante et attentive aux coureurs. Je m’assieds un moment à l’intérieur de la petite pièce fraiche attenante au barnum. Soupe, fruits, un peu de pain, c’est tout ce qui passe. Je ressors, Ulrich termine de se crémer les pieds, je fais de même.
Allez, allez, il reste un peu plus de 2 kilomètres de montée à gravir et ce sera l’ultime descente, de 9 km avec 1200m de D- ! En 40 minutes la montée est pliée, compte tenu de nos forces restantes. Nous retrouvons des coureurs du 2 fois 40 km et Ulrich s’offre le luxe d’accrocher un des gars de la tête de course ! Ce dernier est visiblement un peu vexé ! Le sommet est atteint, les coureurs du 2 fois 40 km qui nous dépassent nous encouragent et nous félicitent. C’est la dernière descente, d’abord droit dans le pentu. Chaque muscle, articulation crient au secours. Les plantes de pieds nous brulent. Ulrich a encore quelques ressources dans la descente mais je le ralentis considérablement et cela le contraint à se freiner. Lui aussi souffre.
La descente me semble interminable… Nous retrouvons un petit sentier à flanc de montagne et des coureurs d’autres courses nous rattrapent. Il y a du monde, il fait chaud mais la plupart des coureurs nous encouragent et nous félicitent ! Et pourtant des aiguilles nous transpercent les pieds, les cuisses, les genoux !
Trois kilomètres avant l’arrivée notre super équipe logistique nous fait la surprise de nous attendre au détour d’un virage. Lyhiam court une nouvelle fois quelques dizaines de mètres avec nous il voudrait que nous allions plus vite ! L’émotion commence à m’envahir…
Puis nous entrons enfin dans le village de St Etienne de Baïgorry, il y a du monde pour encourager tous les coureurs mais à chaque fois que les gens voient nos dossards nous avons des encouragements encore plus soutenus. Nicolas, Maddy et les enfants courent à côté de nous, les enfants passent les barrières et viennent franchir la ligne d’arrivée avec nous !
Et c’est…la délivrance…, une très grande émotion me submerge…
Après 31h30 d’effort, nous avons bouclé notre course folle et extraordinaire… !
Merci, un immense MERCI à toi Ulrich pour ta patience, ta bienveillance, ta confiance et ta détermination, sans failles, pendant les semaines de préparation et tout au long de cette IMMENSE COURSE !
Et comme dirait Seb Quinzi : C’EST QUE DU BONHEUR !!!! Surtout après la course 😉!!!
Et un très grand merci à notre équipe de logisticiens au TOP pour leur soutien tout au long de la course: Madeline, Lyhiam, Elyna et Nicolas 😊 !
Quinzi Aurèlie says
Vous êtes des grands malades mais vous avez toute mon admiration ! Bravo à vous deux !
Raffard says
C est magnifique!! Félicitations à vous. Le récit de course est très parlant. les liens tissés entre vous dans l adversité sont admirables. C est un bel engagement humain et sportif que vous avez partagé. Félicitations à vous deux. Estelle
anne says
félicitations à tous les 2, ça me laisse admirative et sans voix aussi… faut aimer se faire mal et avoir une sacrée détermination! un très grand bravo, sincèrement!
MAZUET says
“Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait”..
Bravo à tous les deux, vous êtes allés au bout et vous pouvez êtres fiers de ce que vous avez accompli !
Bon Cécile, tu retournes quand faire un ultra ?? 🙂
Bruno says
Ton article est très touchant. je me suis imaginé avec vous avec vos joies et vos émotions qui peuvent vous submerger face à un tel défi, félicitation encore à tous les 2 et sans oublier votre logistique ça donne presque envie d’essayer de faire comme vous, mais bon faut vraiment être costaud.
Serge says
Magnifique récit. Toutes les émotions qu’on aime dans le sport avec le dépassement pour soit et pour l’autre. Merci et vivement le prochain récit….